2 février 2019

Votre société est constituée sous la loi fédérale? Alors ce qui suit vous concerne.

Le 13 décembre 2018, le projet de loi C-86, Loi no 2 d’exécution du budget de 2018 a reçu la sanction royale et entrera en vigueur le 13 juin 2019.

À compter du 13 juin 2019, une société régie par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (ci-après la « LCSA ») (sauf les sociétés ayant fait un appel public) devra maintenir un nouveau registre sur tous les particuliers ayant un contrôle important sur elle. Le registre ne se limitera pas aux actionnaires inscrits au registre des actionnaires. On devra y inscrire, par exemple, la personne physique ayant le contrôle de l’actionnaire qui est une personne morale ou une fiducie détenant un contrôle important de la société.

Il s’agit d’un changement très significatif du droit corporatif canadien.

La forme du registre, ainsi que la manière de le préparer et de le maintenir seront indiquées dans la règlementation à être adoptée d’ici juin 2019.

Les nouvelles dispositions ont de nobles buts : éviter que les sociétés fédérales soient utilisées à des fins d’évasion fiscale ou à des fins criminelles, telles le blanchiment d’argent, la corruption ou des activités terroristes par des individus dissimulant leur contrôle réel d’une société derrière des structures juridiques plus ou moins complexes.

Les nouvelles dispositions introduisent la notion de « particulier ayant un contrôle important » sur une société, aux fins de déterminer qui doit figurer au registre.

 

Contrôle important

Un particulier a un contrôle important sur une société, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, lorsque :

  • il est l’actionnaire inscrit d’un « nombre important d’actions» de cette société;
  • il a la propriété effective d’un « nombre important d’actions »  de cette société;
  • il exerce un contrôle, direct ou indirect, sur un « nombre important d’actions »  de cette société ou en a la main haute;
  • il exerce une influence, directe ou indirecte, ayant pour résultat de lui donner le contrôle de fait de la société, et ce, peu importe s’il détient ou non un « nombre important d’actions » de cette société;
  • les circonstances prévues dans un règlement s’appliquent à lui.

Ainsi, les dispositions d’une convention entre actionnaires ou d’une convention de prête-nom pourront avoir pour effet de faire d’une personne n’apparaissant pas comme un actionnaire inscrit d’une société, un « particulier ayant un contrôle important ».

 

Nombre important d’actions

Aux fins de la notion de « contrôle important » d’un « nombre important d’actions », la notion de « nombre important d’actions » s’entend de tout nombre d’actions conférant 25% ou plus des droits de vote (pas 25% des actions votantes) rattachés aux actions votantes émises par la société ou 25% ou plus de la juste valeur marchande des actions en circulation de la société.

La détermination de la juste valeur marchande pourra être une difficulté pour une multitude de sociétés. Entre autres, elle pourrait générer un exercice d’évaluation pouvant être complexe et coûteux lorsqu’une société a plus d’une seule catégorie d’actions.

 

Le registre

Aux termes des nouvelles dispositions, une société régie par la LCSA devra préparer et tenir un nouveau type de registre visant les particuliers « ayant un contrôle important » (ci-après le « Registre »). Ce Registre doit être conservé au siège social ou à tout autre endroit au Canada indiqué par le conseil d’administration (une résolution sera requise à cette fin).

 

Contenu du registre

Le Registre va contenir des renseignements personnels très sensibles quant aux particuliers ayant un « contrôle important », dont :

  • le nom, la date de naissance et la dernière adresse connue de chacun d’eux;
  • leurs pays de résidence, aux fins fiscales;
  • la date à laquelle chacun est devenu un particulier ayant un « contrôle important» de la société;
  • la date à laquelle un particulier a cessé d’avoir un « contrôle important» de la société;
  • une description de la manière dont chacun d’eux a un « contrôle important», notamment une description de leurs droits et intérêts relatifs aux actions de la société;
  • tout autre renseignement exigé par règlement.

Le Registre devra aussi indiquer les mesures prises par la société afin de s’assurer que le Registre contient des renseignements exacts, exhaustifs et à jour.

Lorsqu’une société demandera des informations à un actionnaire aux fins du Registre, cet actionnaire devra, au meilleur de sa connaissance, lui répondre correctement et complètement dans les meilleurs délais.

Il est intéressant de constater qu’en principe, la société devra procéder au retrait des renseignements personnels relatifs à un particulier qui n’a plus de contrôle important au plus tard un an après le sixième anniversaire de la date où cette personne a perdu cette qualification.

 

Consultation

Les actionnaires et les créanciers de la société pourront consulter le Registre, à la condition de fournir un affidavit déclarant que les renseignements du Registre ne le seront pas à des fins interdites par la LCSA.

Les renseignements du Registre ne peuvent être utilisés que pour des fins corporatives internes, dont :

  • afin de tenter d’influencer le vote des actionnaires de la société; et
  • aux fins d’une offre d’acquisition de valeurs mobilières (dont des actions) de la société.

Le directeur nommé par le gouvernement pour appliquer la LCSA peut aussi avoir accès aux renseignements du Registre.

 

Tenue du registre et mise à jour

Chaque société régie par la LCSA a l’obligation de s’assurer, au moins une fois au cours de chaque exercice financier, que les renseignements inscrits au Registre sont exacts, exhaustifs et à jour.

La société doit prendre des mesures raisonnables à cette fin.

Dans les 15 jours de sa connaissance, la société a l’obligation d’inscrire au Registre tout nouveau renseignement pertinent aux fins du Registre dont elle prend connaissance au sujet d’un individu ayant un « contrôle important ».

 

Sanctions sévères

Des sanctions sévères existent en cas de violation des nouvelles dispositions de la LCSA. En plus de la société qui s’expose à des amendes (maximum de 5 000$), les administrateurs ou dirigeants qui sciemment autorisent ou permettent une violation de ces nouvelles dispositions ou sciemment autorisent ou permettent que soient inscrites au Registre des informations fausses ou trompeuses, s’exposent à une amende pouvant atteindre 200 000$ et/ou un emprisonnement de six (6) mois. Il en est de même pour l’actionnaire qui donne des renseignements faux ou trompeurs aux fins du Registre.

Loi sur les sociétés par actions (québec)

Présentement, la Loi sur les sociétés par actions (Québec) ou les autres lois corporatives provinciales du Canada, ne contiennent pas de dispositions similaires, bien qu’il soit probable que la loi québécoise fera, éventuellement, l’objet d’une mise à jour à ce niveau.

 

Conseil

N’attendez pas le 13 juin 2019 avant de vous préoccupez de ces nouvelles dispositions lorsque celles-ci s’appliquent à vous ou à la société dont vous êtes un administrateur ou un dirigeant.

Notre équipe d’avocats en droit des affaires peut vous accompagner dans ces démarches.